Roster Con : Votre roman graphique, « Banana girl » s’apparente presque à un journal intime. Aviez-vous pris des notes à l’époque lorsque vous êtes arrivée en France ?
Kei Lam : Oui, j’avais un journal intime c’est vrai, mais je ne me suis pas du tout basée sur mes notes pour écrire ce livre. Je suis plutôt partie des photos d’enfance, de ma mémoire et celle de mes parents. Se baser uniquement sur des sensations (goût, bruit, odeur, …) et sur ma mémoire très sélective, m’a permis de faire le tri et de garder que les faits marquants.
Lorsqu’on parcourt votre bande dessinée, on remarque que certains éléments de la vie quotidienne des Français, à l’instar de l’emmental ou de la politique, vous ont marquée. Y’a-t-il des choses auxquelles vous n’avez jamais réussi à vous faire ?
KL : Je ne comprends toujours pas l’humour très français de troupe du Splendid à mon grand regret (« Les bronzés font du ski », « Le père Noël est une ordure »). La macédoine aux légumes, les endives au jambon et l’andouillette, je n’arrive pas du tout à m’y faire. Et pourquoi vous maltraitez les légumes ici, ce n’est pas bon du tout bouillis à l’eau… je comprends que les enfants détestent les brocolis à la cantine, alors que tout est si bon sautés à la poêle ou au wok ? Je vous rassure, j’adore le bœuf bourguignon quand même.
Qu’est-ce qui a été le plus dur dans la conception de ce roman graphique ?
KL : J’ai eu beaucoup de blocages psychologiques : je ne savais pas par où commencer, comment raconter mon histoire, quelle distance je devais mettre par rapport à mes personnages, quel degré d’authenticité je devais introduire dans une autobiographie, si mon histoire était suffisamment intéressante ou si j’étais légitime. Après il a fallu trouver une écriture graphique en cohérence avec le propos. Il n’y avait rien d’évident du tout, j’ai mis beaucoup d’années à me débloquer. Mais bizarrement, quand j’ai vraiment voulu me lancer et quand je me suis retrouvée face à ma feuille, il y avait une telle urgence d’écrire et de dessiner, que c’est devenu une évidence. Quelque part, il y avait une petite voix qui me guidait et j’ai fini par trouver une façon de raconter qui me corresponde vraiment.
Votre pays natal ne vous manque-t-il pas trop ?
KL : Ce qui me manque c’est le dynamisme et l’effervescence, les marchés ambulants, les lumières de la ville la nuit, on a l’impression que les HongKongais ne dorment jamais. Les grandes réunions de famille autour des dimsums aussi… Mais je crois qu’avec la mondialisation, le charme s’est un peu perdu… Si j’y retourne aujourd’hui, j’ai peur de me retrouver face à un énorme centre commercial.
« Banana girl » est votre premier ouvrage. Pensez-vous réaliser une nouvelle BD ou plutôt vous replonger dans la presse et la publicité ?
KL : Je ne pense pas que les deux soient incompatibles. J’aimerai avoir l’opportunité de réaliser un tome 2, tout en continuant d’avoir des commandes et à faire des expositions à côté. J’aime beaucoup travailler à la fois seule et en équipe. Je pensais que j’arriverai à tout dire dans mon premier livre mais je crois que j’ai encore d’autres pistes à explorer…