« Tombé dans l’oreille d’un sourd », une BD pour raconter la surdité

« Tombé dans l’oreille d’un sourd », une BD pour raconter la surdité

Crédit Photo : DR

Élever un enfant sourd n’est pas chose aisée, d’autant plus lorsque le système met des bâtons dans les roues. Avec « Tombé dans l’oreille d’un sourd », Grégory Mahieux raconte son combat quotidien mais aussi l’amour inébranlable qu’il pour sa famille. Rencontre.

Roster Con : Dans « Tombé dans l’oreille d’un sourd », on remarque que votre quotidien vous inspire pour vos dessins. Quel a été le déclic pour mettre en marche cette bande dessinée ?
Grégory Mahieux : Le déclic, c’est le ras le bol de ce système trop souvent inadapté et inégalitaire. En discutant avec d’autres parents d’enfants handicapés, j’ai pris conscience que ce sentiment était très largement partagé. Notre expérience familiale était suffisamment riche pour être racontée et, au-delà de cela, c’est un véritable coup de gueule que je voulais pousser.

Compte tenu de cette expérience personnelle et de ce que j’avais à en dire, j’ai proposé à Audrey la co-écriture de ce roman graphique autobiographique. Plus qu’une simple amie, elle a été le témoin et un rare soutien pour ma petite famille. Son lettrisme et son objectivité ont permis de structurer le scénario proposé et de parfois tempérer les propos (si si !)

Pour ce « coup de gueule », nous avions besoin d’une liberté totale d’expression, et c’est chez Steinkis que nous l’avons trouvé.

Comment a réagi votre compagne lorsque vous lui avez dit que vous souhaiteriez aborder le handicap de votre fils en BD ?
Il est évident qu’avant de commencer, je lui ai demandé son avis, ne sachant surtout pas où nous mènerait ce projet, comment il allait nous exposer. Nadège m’a toujours soutenu dans mes projets, et ce malgré l’angoisse que ça provoque chez elle. Elle a d’ailleurs participé activement en aidant à retrouver certains souvenirs, certaines informations et en trouvant les titres des chapitres (elle enseigne l’éducation musicale en collège). Elle est une femme et une maman extraordinaire! J’ai beaucoup de chance!

Dans le 7eme Art, la surdité est en effet rarement abordé, mais quand c’est abordé, c’est loin de la réalité d’aujourd’hui.

La surdité est un sujet peu abordé, notamment dans le 7e art, si on fait exception de « Super-sourde » récemment. C’était important pour vous d’en parler ?
Bien sûr ! Rendre compte de ce qu’est la surdité aujourd’hui, de ce qui ce passe en ce moment (notamment sur le plan technologique), ça m’a semblé très important. Dans le 7eme Art, la surdité est en effet rarement abordé, mais quand c’est abordé, c’est loin de la réalité d’aujourd’hui. On y voit des sourds qui ne parlent pas, ne font que signer et vivent essentiellement en communauté ou exclus de la société entendante. La technologie, avec l’implant cochléaire change radicalement la donne. Les enfants implantés à quelques mois entendent et développent un langage et une intonation similaires à ceux des entendants. Altérité, eugénisme, homme du futur… Le sujet soulève tout un tas de questions qu’il est, en effet, important d’aborder.

Ce n’est pas la première fois que vous vous inspirez de votre vécu pour réaliser une bande dessinée. Est-ce plus simple que d’écrire un ouvrage totalement fictionnel ?
Si une chose n’a pas été simple, c’est bien d’avoir écrit ce livre. Les souvenirs qu’il a fallu remuer ont souvent été très douloureux. Ça a été difficile psychologiquement mais aussi graphiquement car il m’a fallu adapter mon style au thème abordé. L’investissement a été extrême et a provoqué quelques tensions entre Audrey et moi. Heureusement que notre amitié est solide et notre plaisir de partager des séances de travail inassouvi.

Dans le cas de « Tombé dans l’oreille d’un sourd », l’ouvrage n’est pas lié à un manque d’idée mais à un message à faire passer.

Donc non, ce n’est pas plus simple d’écrire du vécu qu’un ouvrage totalement fictionnel ! D’ailleurs, la frontière est mince puisque, même dans la fiction, un auteur y mets généralement de son expérience, son vécu…
Et dans le cas de « Tombé dans l’oreille d’un sourd », l’ouvrage n’est pas lié à un manque d’idée mais à un message à faire passer.

Qu’a pensé votre famille de l’ouvrage, une fois que celui-ci était terminé ?
Tout le monde est fier de papa (et de tata Audrey). A 11 ans, la lecture a provoqué chez Charles et Tristan moults questions auxquelles nous avons pris soin de répondre. Mais surtout, cette lecture par Tristan nous a permis, à Nadège et à moi, d’avoir LA réponse que nous ne pensions pas avoir sans l’intervention d’une DeLorean… 🙂

Avez-vous d’autres projets BD en tête ?
J’ai un projet jeunesse/ado qui cherche éditeur et je travaille (au dessin uniquement) sur un autre projet de roman graphique.

Publié le 4 février 2017
Dernière mise à jour le 10 février 2018

A vos commentaires

*